Artémisinine pour le cancer

L’ ARTEMISIA ANNUA est une des plantes les plus anti-paludique et anti-cancer au monde.

1) La Culture de l’Artemisia Annua
Semis: les graines d’Artemisia annua sont très petites (plus de 10 000 graines par gramme) et
il est conseillé de les mélanger avec du sable fin ou de la cendre (une cuillerée de graines pour
5 à 6 cuillerées de sable ou de cendre) avant de semer. Il faut semer dans une boite remplie de
terre meuble et bien arrosée.
Un repiquage est nécessaire ; on le réalise lorsque le semis devient trop dense, habituellement
3 à 4 semaines après le semis, ou lorsque les plants atteignent 4 cm de haut, en repiquant
chaque plant dans de petits pots (type pots de yaourt).
Puis quand les plants ont atteint une hauteur de 15 cm, ou que 5 à 6 feuilles ont poussé, on
peut repiquer en pleine terre, habituellement après 3 nouvelles semaines. Après avoir préparé
la terre, on repique tout le contenu du pot, en espaçant suffisamment les plants. Il faut arroser
et désherber au début ; par la suite aucun traitement particulier n’est nécessaire.
La croissance ultérieure demande plusieurs semaines. Sous des climats tempérés, comme c’est
le cas en France, la plante peut atteindre une hauteur de 1,5 à 2 mètres et il faut repiquer en
ménageant des intervalles de 80 cm entre les plants, pour avoir un espacement suffisant.
Lorsque la durée du jour est invariable, comme c’est le cas en Afrique noire, la maturation est
rapide et la croissance des plants ne dépasse pas 20 à 80 cm de hauteur.
En Afrique, il semble que la culture de l’Artemisia annua soit plus difficile, et plusieurs
expériences se sont soldées par des échecs. Contrairement à ce que l’on pensait, il semble
préférable de ne pas semer directement en pleine terre et donc de semer dans une boîte de
terre bien ameublie et surtout d’arroser abondamment. Les semences sont photosensibles et la
germination est meilleure si les graines restent proches de la surface. Par ailleurs si la plante
adulte est répulsive pour les insectes, les jeunes pousses peuvent être ravagées par les
chenilles (cutworm ou ver gris) et P Lutgen (comm part) conseille de les protéger par un
traitement avec des solutions à 1% d’huile ou d’extrait de neem, ou même de traiter le sol
avec une telle solution avant semailles. Idéalement il faut préparer la terre avec du compost et
de la terre de termitière, puis légèrement tasser la terre avec un rouleau ou une planche, puis
semer. Il faut garder la graine en atmosphère humide et arroser généreusement surtout si l’on
plante en saison sèche. Pour conserver l’humidité, qui est essentielle pour la germination, on
peut recouvrir la zone semée avec une fine couche de terre meuble ou de sable ou un film de
plastique. Lors du repiquage, l’espace entre les plants peut n’être que de 30 à 60 cm étant
donné la petite taille des plants à maturation.

L'artéminisinine surement la plante la plus anti-cancer au monde
L’artéminisinine surement la plante la plus anti-cancer au monde

2) La récolte des feuilles
Classiquement il faut la faire dès le bourgeonnement des fleurs, au début de la floraison, car la
concentration en artémisine est maximum au moment du bourgeonnement et décroit
rapidement après la floraison. En fait des travaux récents ont montré que la teneur en
artémisine n’est pas un élément essentiel, et on peut faire la récolte jusqu’en fin de floraison.
La récolte se fait habituellement 4 à 5 mois après la plantation.
Le procédé de récolte le plus simple consiste à couper et rassembler les plants, puis les étaler
sur un tissu pour le séchage. Le séchage est indispensable car la concentration en artémisine
est nettement plus importante dans les feuilles sèches que dans les feuilles vertes ; il peut se
faire à l’ombre ou au soleil, le séchage à l’ombre étant préférable pour la teneur en artémisine.
Lorsque la plante est sèche (après environ 4 à 5 jours) il faut détacher les feuilles des tiges les
plus volumineuses. Les feuilles contiennent surtout l’artémisine, mais elles ne sont pas seules
à contenir les principes actifs ; les tiges contiennent notamment les flavonoïdes et il est
préférable de garder les petites tiges sur lesquelles s’attachent les feuilles. Ceci peut se faire
en frappant les plants contre une surface dure, ou en empaumant les plants à leur base et en
arrachant les feuilles en remontant la main de bas en haut le long de la tige. On peut aussi ne
pas couper la tige, la laisser sur pied et arracher chaque tigelle une par une, puis faire sécher.
Ce procédé est nettement plus long, mais les feuilles gardent leur aspect normal et surtout la
teneur en artémisine est maximum. Enfin après séchage il faut stocker les feuilles dans des
sacs en tissu opaque dans un endroit frais et à l’ombre et éviter soigneusement de ré
humidifier les feuilles.
Il peut être difficile de déterminer précisément la phase de transition entre les feuilles et la
floraison, car les feuilles ont tendance à disparaître au moment du bourgeonnement ; de plus
les fleurs sont de très petite taille, avec une coloration jaunâtre, et il est souvent délicat de les
différencier de petites feuilles.
3) La récolte des graines
Elle ne doit être faite ni trop tôt car elles risquent de ne pas être arrivées à maturité, ni trop
tard car elles risquent de tomber par terre et d’être perdues. Le procédé le plus simple consiste
à couper les tiges et les secouer contre un plan dur ou les battre pour faire tomber les graines.
Quand les graines sont en formation, on peut enfermer les terminaisons florales (sans les
serrer) dans un petit sac en plastique percé de trous, afin d’éviter la dissémination des graines
et de limiter les impuretés.
A noter que si l’on récolte les feuilles juste avant la floraison, on risque de compromettre la
récolte de graines. Lorsque l’on commence une plantation d’Artemisia annua, il faut donc ne
pas récolter toutes les feuilles et conserver une partie des plants pour récolter ultérieurement
les graines, en les repérant avec un tissu ou une marque quelconque.
4) La préparation de la tisane
La quantité de feuilles recommandée pour la préparation en tisane est de 5 à 7 grammes de
feuilles pour un litre d’eau bouillante (soit une bonne cuiller à soupe). Il faut utiliser un
récipient en plastique ou mieux en verre pour faire infuser, et éviter un récipient en fer (le fer
réagissant avec l’artémisine). Il faut verser l’eau bouillante sur les feuilles (ne pas poursuivre
l’ébullition avec les feuilles, car cela détruit l’artémisine), remuer le mélange avec une cuiller
en bois, puis laisser infuser 10 minutes, le récipient étant recouvert. Puis il faut filtrer la tisane
(par exemple dans un tissu pour éviter le contact avec une passoire en fer), presser les feuilles
pour récupérer les reliquats d’artémisine dissoute, et enfin laisser refroidir la tisane.

A noter que l’on peut également utiliser de l’Artemisia annua fraîche, avec des résultats aussi
bons. Il faut alors faire macérer une poignée de feuilles dans de l’eau, puis essorer et boire le
jus, ou encore piler une poignée de plante, presser la pâte obtenue, et boire.
5) La posologie de la tisane
Chez l’adulte, la posologie recommandée est de 1 litre par jour en 4 prises de 250 cc. Chez
l’enfant, la posologie est de 15 à 20 cc/kg, c’est-à-dire ½ litre en 4 prises pour un poids de 30
kg (4 fois un pot de yaourt bien rempli), ou 120 à 130 ml en 4 prises pour un poids de 7 kg (4
fois un quart de pot de yaourt).
Lorsque l’administration par voie orale est impossible, (en cas de neuropaludisme avec
coma…), l’administration par voie rectale est possible sous forme de goutte-à-goutte à l’aide
d’une canule rectale, avec la même posologie que par voie orale, c’est-à-dire pour l’adulte un
litre de tisane dans laquelle ont infusé 9 à 10 grammes de feuilles d’Artemisia annua, à répéter
les jours suivants.
6) La préparation en poudre
La plante peut être directement consommée si elle est parfaitement réduite en poudre. La
poudre peut alors être mélangée aux aliments ; l’alternative est une préparation en gélules. Il
n’existe pas d’études précises concernant la posologie à recommander pour l’utilisation de la
poudre, mais on a constaté empiriquement qu’une dose quotidienne de 500 mg est suffisante
pour faire chuter la parasitémie et ce dosage semble actuellement pouvoir être retenu.
7) Ce que l’on peut retenir en 2013…
On peut retenir les quelques points suivants :
– L’artémisine est présente surtout dans les feuilles, mais les flavonoïdes sont présents surtout
dans les tiges de l’Artémisia annua ; il est donc préférable de prélever non seulement les
feuilles mais aussi les tigelles de la plante pour faire la poudre ou la tisane.
– L’Artémisia annua fraîche est aussi efficace que les feuilles séchées ; on peut donc l’utiliser
sous les deux formes, éventuellement même en pilant la plante fraîche, ce qui peut simplifier
la préparation.
– La teneur en artémisine n’étant pas l’élément principal, il n’est pas nécessaire de récolter les
feuilles exactement au début de la floraison, mais pendant ou même juste après celle-ci.
– L’adjonction de sucre, parfois proposée pour neutraliser l’amertume de la tisane, est à
déconseiller, car le sucre favoriserait le développement du parasite.
– L’Artémisia annua en poudre est nettement plus efficace que la tisane et elle semble à
privilégier lorsque cela est posible.
– L’Artémisia annua a un rôle curatif, mais aussi un rôle préventif (une prise hebdomadaire
serait suffisante…).

AVANT PROPOS
L’utilisation de l’Artémisia annua dans le traitement du paludisme est un sujet « brûlant », qui
déchaine les passions et qui est source d’interminables controverses, parfois sans grande
objectivité. D’innombrables travaux ont été consacrés au traitement du paludisme par
l’Artémisine extraite de l’Artemisia annua ; mais il ressort de plus en plus des travaux actuels
que ce n’est pas seulement l’artémisine, mais la plante entière qui est efficace sur le
paludisme, utilisée soit en tisane, soit en poudre. De ce fait, nous avons délibérément modifié
le titre de ce livret…
Le but de ce travail est de présenter de la façon la plus complète possible cette méthode de
traitement, depuis la culture de la plante jusqu’à l’analyse de l’efficacité de la plante.
L’Artémisia annua apporte non seulement l’artémisine (nous préférons dire artémisine, terme
plus français que « artémisinine », dérivant du mot anglais artemisinin), mais aussi les
nombreuses autres molécules présentes dans la plante, qui ont une action synergique de
l’artémisine. Tel qu’il est, ce texte comporte très probablement des lacunes ou des
inexactitudes ; nous serons heureux de les corriger… Nous souhaitons que ce livret permette à
ceux qui le souhaitent de tenter l’expérience de la culture et de l’usage de l’Artémisia annua.

INTRODUCTION
Le paludisme reste un problème de santé mondial, responsable de la mort de plusieurs
millions de personnes chaque année, dont une très forte proportion d’enfants. Il est
actuellement officiellement admis que le traitement à base d’artémisine combinée à des
molécules à action plus lente (ACT : artemisinin combined therapy) est le moyen le plus
efficace pour lutter contre le paludisme dû au Plasmodium falciparum. C’est le
traitement recommandé par l’OMS. L’artémisine supprime la parasitémie plus
rapidement que tout autre antipaludéen ; elle agit précocement dans le cycle parasitaire par
son effet parasitocide, les molécules à action plus lente prenant ensuite le relais.
Cependant ces médicaments à action plus lente sont connus pour être pour la plupart devenus
inefficaces en face du Plasmodium Falciparum. Par ailleurs les traitements actuels à base
d’artémisine ou de ses dérivés semi-synthétiques (arthemeter, artésunate, arteether) restent
coûteux (près de 10 fois plus chers que les traitements classiques par sels de quinine) et donc
le plus souvent non accessibles à la plupart des familles dans les pays les plus pauvres. Enfin
ces traitements ne sont pas toujours disponibles dans les régions endémiques les plus reculées.
Dans une étude faite à Bangui (République Centrafricaine) portant sur la disponibilité des antipaludéens et leur
utilisation, Manirakiza constate que les traitements par artémisine ou dérivés n’étaient disponibles que dans 35 sur 82 établissements évalués, et le médicament le plus couramment prescrit et utilisé restait la Chloroquine (66,7%), l’arthemeter ne représentant que 2,4% des antipaludéens utilisés. En 2008, selon le Rapport mondial sur
le paludisme de l’OMS, 38% des enfants fébriles étaient mis sous traitement antipaludique en Afrique noire, et seulement 3% avaient accès aux ACT.
De plus la durée de vie de l’artémisine et surtout de ses dérivés est brève, ne dépassant
pas quelques semaines, notamment en cas de conservation à température ambiante de plus de
35°. Enfin, les présentations disponibles sur les marchés sont parfois des imitations d’origine
douteuse, à teneur en artémisine insuffisante ou contenant d’autres substances totalement
inactives ou même toxiques.
Newton a rassemblé 391 échantillons de médicaments douteux vendus sous le nom d’artésunate dans le Sud-Est asiatique. La moitié d’entre eux (49,9 %) ne contenait pas d’artésunate ou en trop faible quantité. Par contre d’autres molécules étaient présentes, dont certaines à potentiel cancérigène. Dans une étude semblable portant sur des médicaments vendus sous le nom d’artésunate, Sengaloundeth  a constaté que dans 22 cas sur 25 les comprimés étaient des médicaments contrefaits sans aucune trace d’artésunate.
La multiplication des antipaludéens contrefaits devient ainsi un problème de santé publique.
Pourtant, en raison de sa grande efficacité immédiate, l’artémisine devrait être une solution
pour résoudre la tragédie que représente le paludisme chez l’enfant dans les régions
endémiques.
La préparation des feuilles d’Artemisia annua (ou Quinghao) sous forme de tisane est utilisée
dans la médecine traditionnelle chinoise depuis des siècles ; elle a été redécouverte par les
Chinois lors de la guerre du Vietnam. L’artémisine en a été extraite en 1975 ; elle a été
considérée comme le principal agent antipaludéen et elle a été proposée pour le traitement de
toutes les formes de paludisme chez l’homme, et notamment le paludisme du au plasmodium
falciparum multi-résistant. Au vu de la littérature récente, il apparait cependant que le
potentiel antipaludéen de l’Artemisia annua n’est pas uniquement dû à l’artémisine, et
plusieurs travaux ont montré que de nombreuses autres molécules contenues dans la plante,
essentiellement des flavonoïdes, ont également une action antipaludéenne propre ou
synergique de l’artémisine, et il semble que l’importance donnée à l’artémisine ait été
surestimée. Le rôle des flavonoïdes présents dans les feuilles et les tiges d’Artemisia annua
valorise ainsi beaucoup l’utilisation non de la molécule d’artémisine, mais de la plante entière
pour traiter l’accès palustre (25, 29, 65,17). La plante peut être réduite en poudre et
administrée sous forme de gélules, ou même simplement mélangée aux aliments. Les gélules
sont plus simples à administrer que la tisane, elles apportent toutes les molécules présentes
dans les feuilles, et sont même utilisables par voie rectale chez l’enfant, mais elles sont plus
coûteuses et non facilement réalisables sur place.
L’Artémisia annua peut être cultivée sous tous les climats, et de ce fait elle peut être
disponible sur place. La tisane peut être consommée pour un coût pratiquement nul.
Cependant l’artémisine a pour inconvénient sa rapidité d’élimination, et donc la brièveté de
son action. Cela expose à un risque de récidive précoce de l’accès palustre, et cela impose de
poursuivre le traitement par tisane durant plusieurs jours. Malgré ces imperfections, il est
tentant de proposer de traiter l’accès palustre par l’administration de tisane à base de feuilles
d’Artémisia annua, quasi gratuite et quasi universellement cultivable sur place, comme une
alternative aux traitements médicamenteux modernes, coûteux et parfois non disponibles. A
partir d’une revue de la littérature portant sur la culture de l’Artémisia annua et portant sur
l’efficacité de l’artémisine et des flavonoïdes présents dans la tisane, et à partir de l’analyse de
quelques cas personnels traités par gélules ou tisane d’Artémisia annua, les auteurs évaluent
ce moyen de traitement de l’accès palustre, non plus comme une alternative dans les cas où
les traitements officiels ne sont pas disponibles localement, mais comme un traitement à part
entière et tout aussi efficace. Ils ont développé un programme de culture de l’Artémisia annua
dont les buts sont de fournir localement des semences aux populations vivant dans les régions
sous-développées à endémie paludéenne, de favoriser la culture et la production locale de
l’Artémisia annua, de promouvoir la connaissance de la plante et de fournir documents et
conseils. Pour ce faire, ils ont créé une association non gouvernementale « Artemisia Contre
Paludisme (ACP) » dont le siège est situé à Longeville (Franche Comté, France). La plante est
cultivée en pleine terre à une altitude de 700 m, sans fertilisants.

L’HISTOIRE DE L’ARTEMISIA ANNUA
C’est à la suite des ravages faits par le paludisme dans les rangs de l’armée nord-vietnamienne
que Mao Tsé Toung a mis en route en 1967, en pleine révolution culturelle, le projet « 523 »
(ainsi nommé parce qu’il a été lancé le 23 Mai 1967), qui était un programme secret de
recherche sur le traitement du paludisme, basé sur l’étude des traitements de la médecine
traditionnelle chinoise (45). L’Académie de Médecine Traditionnelle Chinoise a confié cette
recherche à l’un de ses membres, Youyou TU, jeune pharmacienne âgée de 36 ans, dont le
nom est resté totalement ignoré jusque dans les années récentes (49).

Il faut dire que, durant la révolution culturelle, l’individu passait au deuxième plan derrière le
groupe, et qu’il pouvait être dangereux de se faire trop remarquer. Il est intéressant de noter
que les premières publications consacrées à l’artémisine (90) ne comportaient pas de nom
d’auteur… Ce n’est qu’en 2005 que le nom de Youyou TU a été associé à la découverte de
l’artémisine, et qu’elle est devenue célèbre : « Je participais à une réunion à Shangai en 2005
avec tous les spécialistes chinois du paludisme, et j’ai demandé qui avait découvert
l’artémisine, » raconte Louis Miller, un chercheur sur le paludisme au US National Institutes
of Health de Rockville, Maryland. « J’ai été surpris de découvrir que personne ne le savait. »
En 2011, Youyou TU a reçu le prestigieux prix Lasker DeBakey Clinical Research (59).
Youyou TU a rassemblé plusieurs milliers de recettes à base d’herbe ; elle a évalué 380
extraits de différentes plantes, parmi lesquelles l’Artémisia annua (ou Qinghao), qui était
connue depuis très longtemps pour son efficacité pour traiter la fièvre récurrente. Ainsi, au
4ème siècle, GE HONG en donnait une recette de préparation très précise : « prendre une
branche d’Artémisia annua ; faire tremper dans 400 ml d’eau ; presser vigoureusement,
recueillir le jus et boire ». Ou encore « piler soigneusement une branche d’Artémisia annua
dans un mortier, puis presser pour recueillir le jus, et boire ». A noter qu’il s’agit dans ces
préparations de plante fraîche, et non pas de feuilles séchées… A noter également qu’il s’agit
de toute la plante et non pas seulement des feuilles… (89).
Mme Youyou TU, membre de l’Académie de Médecine Traditionnelle Chinoise, à qui a été confié en 1967 la recherche d’un médicament efficace sur le paludisme, et qui a isolé la molécule d’artémisine.

Plus tard, au 11ème siècle, SHEN GUA recommandait l’utilisation d’Artémisia apiacea
(couleur bleu vert en période de floraison) plutôt que Artémisia annua (coloration vert clair),
en raison d’une efficacité plus importante (33). Or l’Artémisia apiacea contient beaucoup de
flavonoïdes, mais peu d’artémisine (43)…

Les premiers résultats obtenus par Youyou TU ont été décevants, car les extraits étaient
préparés avec de l’eau bouillante qui détruisait les composants actifs. C’est en 1971, en
réalisant une extraction par de l’éther à basse température, qu’elle a obtenu des extraits qu’elle
a testés en laboratoire sur des souris et des singes infectés par le parasite, avec une efficacité
pratiquement de 100% (92). Après avoir vérifié sur elle-même l’innocuité de l’extrait, elle l’a
testé sur l’homme, sur 21 patients impaludés, qui ont été guéris à 90%. En 1972 elle a isolé
une substance considérée comme l’élément actif de l’Artémisia annua, et lui a donné le nom
d’artémisine (ou Qinghaosu, le suffixe su signifiant « la substance active »). Mais on peut
encore noter que les premiers essais positifs avaient été faits avec de l’Artémisia annua
produite dans la région de Pékin, contenant peu d’artémisine. Comme Youyou TU désirait
disposer de beaucoup d’artémisine, elle a ensuite utilisé de l’Artémisia annua provenant de la
région du Sichuan, très riche en artémisine, avec des résultats cliniques identiques, ce qui
suggère encore que la concentration optimale en artémisine n’est pas nécessairement la
concentration maximale…
En 1975 Youyou TU a déterminé la structure de la molécule d’artémisine (sesquiterpène
lactone). En 1979 la publication d’un article dans le Chinese Medical Journal (90) fait
connaitre l’artémisine ; en 1981, le 4ème congrès du Groupe de Travail Scientifique sur la
Chimiothérapie du Paludisme, sponsorisé par le PNUD, la Banque Mondiale et l’OMS, se
tient à Pékin. L’artémisine devient connue dans le monde entier, et elle soulève l’intérêt des
grandes firmes pharmaceutiques, qui produisent les dérivés semi-synthétiques que l’on
connait (artésunate hydrosoluble, arthémeter liposoluble…), aboutissant en 1986 à la mise sur
le marché des premiers médicaments à base d’artémisine. Devant l’efficacité du produit, en
2004 l’OMS en commence la promotion à grande échelle, et recommande son utilisation en
association avec d’autres molécules « classiques » (les ACT, ou Artemisinin Combined
Therapy). Enfin, en 2011, l’OMS recommande l’utilisation de l’artésunate en monothérapie
par voie intra veineuse au lieu de sels de quinine dans le traitement du paludisme grave de
l’enfant.
Au 11ème siècle, SHEN GUA recommandait l’Artemisia apiacea plutôt que l’Artemisia annua en raison d’une meilleure efficacité.
Or l’Artemisia apiacea contient beaucoup de flavonoïdes, mais peu d’artémisine (Qinghaosu)…

LA CULTURE DE L’ARTEMISIA ANNUA
Semis: les graines d’Artemisia annua sont très petites (plus de 10 000 graines par gramme) et
il est conseillé de les mélanger avec du sable fin ou de la cendre (une cuillerée de graines pour
5 à 6 cuillerées de sable ou de cendre) avant de semer. Il faut semer dans une boite remplie de
terre meuble et bien arrosée. Pour conserver l’humidité, on peut recouvrir le semis avec un
plastique transparent. Un repiquage est nécessaire ; on le réalise lorsque le semis devient trop
dense, habituellement 3 à 4 semaines après le semis, ou lorsque les plants atteignent 4 cm de
haut, en repiquant chaque plant dans de petits pots (type pots de yaourt). Puis quand les plants
ont atteint une hauteur de 15 cm, ou que 5 à 6 feuilles ont poussé (fig 1 et 2), on peut repiquer
en pleine terre.

Il faut arroser et désherber au début ; par la suite aucun traitement particulier n’est nécessaire.

La croissance ultérieure demande plusieurs semaines. Dans l’expérience des auteurs à
Longeville, avec un semis au printemps au début du mois d’Avril, le repiquage est réalisé
durant la dernière semaine d’Avril et la récolte des feuilles se fait à la fin du mois d’Août.
Sous des climats tempérés, comme c’est le cas en France, la plante peut atteindre une hauteur
de 1,5 à 2 mètres et il faut repiquer en ménageant des intervalles de 80 cm entre les plants,
pour avoir un espacement suffisant, permettant une bonne croissance et un bon
développement des feuilles sur toute la hauteur de la tige. Cinq grammes de graines sont
suffisants pour ensemencer un hectare en pleine terre.
Lorsque la durée du jour est invariable, comme c’est le cas en Afrique noire, la maturation est
rapide, la croissance des plants ne dépasse pas 50 à 80 cm de hauteur, et il faut faire la récolte
des feuilles dès que la plante arrive à maturation. En Afrique, il semble que la culture de
l’Artemisia annua soit plus difficile, et plusieurs expériences se sont soldées par des échecs.
Contrairement à ce que l’on pensait, il semble préférable de ne pas semer directement en
pleine terre et donc de semer dans une boîte de terre bien ameublie et surtout d’arroser
abondamment. Les semences sont photosensibles et la germination est meilleure si les graines
restent proches de la surface. Par ailleurs si la plante adulte est répulsive pour les insectes, les
jeunes pousses peuvent être ravagées par les chenilles (cutworm ou ver gris) et P Lutgen (com
part) conseille de les protéger par un traitement avec des solutions à 1% d’huile ou d’extrait de
neem, ou même de traiter le sol avec telle solution avant semailles. Idéalement il faut préparer
la terre avec du compost et de la terre de termitière, puis légèrement tasser la terre avec un
rouleau ou une planche, puis semer. Il faut garder la graine en atmosphère humide et arroser
généreusement surtout si l’on plante en saison sèche. Pour conserver l’humidité, qui est
essentielle pour la germination, on peut recouvrir la zone semée avec une fine couche de terre
meuble ou de sable, ou encore recouvrir le semis d’un fin plastique transparent. Lors du
repiquage, l’espace entre les plants peut n’être que de 30 à 60 cm étant donné la petite taille
des plants à maturation.
Différents essais ont été effectués par l’association Artemisia Contre Paludisme : dans une
culture faite au Sénégal, le bourgeonnement a commencé 3 mois après le semis et la plante a
atteint une hauteur de 60 cm. Dans une autre culture au Bénin, le semis a été fait en Janvier et
le repiquage 3 semaines après ; la hauteur maximum obtenue était de 1 mètre. Dans un essai
de culture au Burkina Faso la plante n’a grandi que jusqu’à 20 à 30 cm. Dans les pays
africains on peut semer à n’importe quelle saison de l’année, mais si l’on sème en saison
sèche il faut généreusement arroser jusqu’au repiquage.
LA RECOLTE
La récolte des feuilles se fait habituellement 4 à 5 mois après la plantation. Classiquement
elle doit se faire dès le bourgeonnement des fleurs, avant la pleine floraison, car la
concentration en artémisine est maximum au moment du bourgeonnement et décroit
rapidement après la floraison. Dans une étude faite à Longeville, où le bourgeonnement s’est
produit durant les derniers jours du mois d’Août, la teneur des feuilles en artémisine était de
0,13% le 16 Août, de 0,31% le 26 Août, de 0,31% le 2 Septembre, et de 0,25% le 9
Septembre. En fait des travaux récents ont montré que la teneur en artémisine n’est pas un
élément essentiel, et on peut donc faire la récolte jusqu’en fin de floraison (fig 3). Il peut être
difficile de déterminer précisément la phase de transition entre les feuilles et la floraison, car
les feuilles ont tendance à disparaître au moment du bourgeonnement ; de plus les fleurs sont
de très petite taille, avec une coloration jaunâtre, et il est souvent délicat de les différencier de
petites feuilles.
Le procédé de récolte le plus simple consiste à couper et rassembler les plants, puis à les
suspendre dans un local aéré ou les étaler sur un tissu pour le séchage. Le séchage est un
temps important, car les feuilles une fois séchées peuvent se conserver plusieurs années. De
plus la concentration en artémisine est plus importante dans les feuilles sèches que dans les
feuilles vertes, notamment en cas de récolte précoce (46).
Le mode de séchage est discuté dans la littérature, l’exposition au soleil étant néfaste pour
certains (Laughlin, 41) et au contraire favorable pour d’autres (Simonnet, 73).
Dans une étude faite par ACP-Paludisme, la teneur en artémisine est de 0. 30% quand les plants sont séchés au
soleil et de 0. 36% quand ils sont séchés à l’ombre, suggérant qu’il est préférable d’éviter l’exposition au soleil.
Ferreira a comparé différents modes de séchage : séchage à l’ombre pendant 1 à 3 semaines, séchage au soleil pendant 1 à 3 semaines, séchage au four à 45° avec ventilation pendant 12 à 24 h et séchage par lyophilisation. Il a constaté que le mode de séchage, à l’ombre ou au soleil, ne modifie pas sensiblement la teneur en artémisine.
Par contre le séchage au four, néfaste pour la teneur en artémisine, est plus efficace pour
préserver l’activité anti-oxydante des feuilles. Quelque soit le mode de séchage, la teneur en
artémisine augmente pendant les trois premiers jours, sa biosynthèse étant déclenchée par le
séchage. Lorsque la plante est sèche, il faut détacher les feuilles des tiges. Les feuilles
contiennent surtout l’artémisine, mais elles ne sont pas seules à contenir les principes actifs ;
les tiges contiennent notamment les flavonoïdes et il est préférable de garder les petites tiges
sur lesquelles s’attachent les feuilles. Ceci peut se faire en frappant les plants contre une
surface dure, ou mieux encore en empaumant les plants à leur base et en arrachant les feuilles
en remontant la main de bas en haut le long de la tige. Ces techniques ont l’inconvénient de
fragmenter les feuilles en fines particules. On peut piler les feuilles jusqu’à obtention d’une
poudre fine que l’on peut conserver dans des récipients ou sacs en plastique opaques. Une
telle poudre est nécessaire si l’on veut utiliser la plante en gélules.
Un autre procédé consiste à laisser la tige sur pied et arracher chaque tigelle une par une, puis
faire sécher à l’ombre (fig. 4). Le procédé est nettement plus long, mais les feuilles gardent
leur aspect normal et surtout elles ont une forte teneur en artémisine (0. 84% dans l’étude faite
par ACP-Paludisme). Enfin après séchage il faut stocker les feuilles dans des sacs en tissu
opaque ou en papier solide dans un endroit frais et à l’ombre, et il faut impérativement éviter
une ré-humidification de la récolte, qui influe fortement sur la dégradation de l’artémisine.
Contrairement à ce que l’on pensait (30), les feuilles séchées ont une bonne stabilité et leur
teneur en artémisine reste satisfaisante à trois ans, à condition qu’elles soient conservées au
sec et à l’ombre.
Selon une expérience communiquée par P Lutgen (non publiée), après 7 semaines de conservation à 25°C et 65% d’hygrométrie, de même qu’à 35° C et 75% d’hygrométrie, la concentration reste constante. Après 39 mois de conservation à 25° C et 65% d’hygrométrie, la concentration reste à 0.78 %, mais elle s’effondre après conservation à 35° C et 75% d’hygrométrie.
Par contre la durée de conservation de la tisane est brève et son efficacité diminue rapidement
après l’infusion des feuilles, surtout quand elle est conservée à température ambiante ; il faut
donc utiliser de la tisane fraîchement préparée, datant de 24 heures au maximum.
La récolte des graines ne doit être faite ni trop tôt car elles risquent de ne pas être arrivées à
maturité, ni trop tard car elles risquent de tomber par terre et d’être perdues. A Longeville le
meilleur moment pour la récolte des graines se situe en automne, juste avant les premières
gelées. Le procédé le plus simple consiste à couper les tiges et après séchage à les secouer
contre un plan dur ou les battre pour faire tomber les graines.
A noter que si l’on récolte les feuilles juste avant la floraison, on risque de compromettre la
récolte de graines. Lorsque l’on commence une plantation d’Artemisia annua, il faut donc ne
pas récolter toutes les feuilles et conserver une partie des plants pour récolter ultérieurement
les graines. On peut repérer quelques pieds et les identifier avec un tissu ou une marque
quelconque pour les conserver jusqu’à la floraison. Quand les graines sont en formation, on
peut enfermer les terminaisons florales (sans les serrer) dans un petit sac en plastique percé de
trous, afin d’éviter la dissémination des graines et de limiter les impuretés.

LE CYCLE PARASITAIRE DU PLASMODIUM FALCIPARUM
Résumé : En piquant l’homme, le moustique lui injecte dans le sang sa salive infectée par le
parasite. Le parasite gagne d’abord le foie où il se multiplie. Puis, les parasites migrent dans
le sang où ils pénètrent dans les globules rouge et les détruisent. Si un moustique sain pique
un homme infecté, il s’infecte à son tour et va transmettre la maladie à d’autres humains.
Le parasite (le plus fréquent est le Plasmodium Falciparum, responsable des formes de
paludisme les plus graves) se développe en deux cycles : un cycle asexué chez l’homme et un
cycle sexué chez le moustique.
1) Chez l’homme : cycle asexué (ou schizogonique).
En piquant l’homme, le moustique lui injecte sa salive qui contient des centaines de parasites
(appelés sporozoïtes) provenant de ses glandes salivaires. Les parasites gagnent le foie et
pénètrent dans les cellules hépatiques où ils se multiplient, grossissent et finissent par faire
éclater la cellule hépatique. Ils repassent alors dans la circulation sanguine (ils sont alors
appelés mérozoïtes) et pénètrent dans les hématies (ou globules rouges) ; ils deviennent alors
des trophozoïtes d’abord jeunes, à forme annulaire ; les trophozoïtes grossissent, dégradent
l’hémoglobine du globule rouge et se multiplient dans le globule rouge ; on parle alors de
schizontes. Quand il est mûr, le schizonte éclate et libère de nouveaux mérozoïtes qui vont
eux-mêmes parasiter des hématies vierges et recommencer le cycle ; chaque cycle dure 48
heures et l’éclatement des globules rouges et des schizontes est contemporain des accès
fébriles. Enfin, après plusieurs cycles, on voit apparaître dans les hématies des parasites
sexués, les gamétocytes mâles et femelles.
2) Chez le moustique (l’anophèle) : cycle sexué (ou sporogonique).
Lorsqu’il pique un homme infecté, le moustique ingère des schizontes, des mérozoïtes et des
gamétocytes. Les schizontes et les mérozoïtes sont digérés dans l’estomac du moustique. Le
gamétocyte femelle est fécondé par le gamétocyte mâle, formant un œuf (l’oocyste) qui
traverse la paroi de l’estomac du moustique et se fixe sur cette paroi. Dans l’oocyste se
forment des sporozoïtes qui sont libérés par l’éclatement de l’oocyste et gagnent les glandes
salivaires. La durée du cycle chez l’anophèle est de 10 à 40 jours.
Lorsque la population est régulièrement exposée à un risque d’inoculation élevé (comme c’est
le cas en Afrique subsaharienne), une parasitémie chronique est habituelle, et les accès de
paludisme les plus graves sont l’apanage des enfants ; en effet une immunité clinique partielle
s’acquiert durant l’enfance, et les adultes ne présentent que peu d’accès palustres, même si le
parasite reste présent dans leur sang de façon chronique. Ce fait particulièrement important est
bien précisé dans le rapport de Olumnese sur le traitement du paludisme (64, pp 5-6), et il
mérite d’être pris en considération dans l’évaluation de l’efficacité des traitements proposés,
bien que la position « officielle » de l’OMS soit de tenir compte à la fois du résultat clinique
et du résultat sur la parasitémie dans l’évaluation des résultats.

LE MECANISME D’ACTION DE L’ARTEMISINE
La molécule d’artémisine a été isolée sous forme cristalline en 1972 ; sa structure chimique a
été déterminée en 1975 : c’est un sesquiterpène lactone avec un pont endoperoxyde (pont
reliant deux atomes d’oxygène). C’est une molécule à haute énergie, prompte à réagir et à
perdre son énergie car peu stable .

Des dérivés semi-synthétiques ont été préparés à partir de la molécule d’artémisine:
dihydroartemisine, artemether, artesunate and arteether. La durée de vie de ces dérivés est
nettement inférieure à celle de l’artémisine, quelques mois pour l’artésunate (32), et leur
efficacité n’est pas sensiblement supérieure à celle de l’artémisine. L’avantage de l’artesunate
est d’être hydrosoluble et d’être facilement utilisable par voie intraveineuse.
L’artémisine a un rôle anti-inflammatoire et antipyrétique ; elle est active non seulement sur
le Plasmodium Falciparum, mais également sur de nombreuses bactéries et virus et
notamment le VIH (47). Elle a été utilisée avec succès dans la désinfection de l’eau (48) et sur
certaines parasitoses comme les leishmanioses ou les schistosomiases (70). Enfin elle a un
rôle dans le freinage de la prolifération cellulaire cancéreuse4 (25, 40, 58).
L’effet anticancéreux de l’artémisine est un sujet particulièrement « brûlant ». Cet effet a été prouvé à
plusieurs reprises in vitro, sur des lignées de cellules cancéreuses provenant de différentes origines : sein, poumon, rein, ovaire, prostate, colon, tissu hématopoiétique (1, 2). Cependant il n’a pas été rapporté d’études cliniques sur l’efficacité de l’artémisine contre le cancer, et on ne peut s’appuyer que sur des rapports
d’observations isolées. L’artémisine agirait selon différents processus (3): mort des cellules cancéreuses (apoptose), inhibition de la prolifération cellulaire cancéreuse, inhibition de l’angiogénèse, freinage de la migration cellulaire cancéreuse. Le mécanisme d’action se rapproche du mécanisme observé dans le paludisme : la molécule d’artémisine est activée en présence de Fer qui ouvre le pont peroxyde, libèrant des radicaux libres qui tuent la cellule cancéreuse. Les cellules cancéreuses sont naturellement riches en Fer (celui-ci est nécessaire pour leur prolifération) et elles sont donc plus sensibles à l’effet cytotoxique de l’artémisine que les La molécule d’artémisine.
Le pont endoperoxyde (O-O) est l’élément essentiel pour l’activité de l’artémisine. En présence de
Fer, le pont se rompt et libère des radicaux libres qui bloquent la synthèse des protéines du parasite
(par inhibition de la CA++ ATPase), ce qui tue le parasite.
Le pont peroxyde. Il réunit deux atomes d’oxygène.

Dans le cas du paludisme, l’artémisine est active sur les trophozoïtes jeunes (1) et évite
l’évolution vers les stades de trophozoïtes plus tardifs, où le parasite adhère à l’endothelium
vasculaire ; ce phénomène est appelé séquestration et il se produit dans les microvaisseaux
des organes vitaux et notamment du cerveau.
Ce stade de séquestration est considéré comme responsable des complications de l’accès palustre et notamment du neuropaludisme, avec adhérence des hématies parasitées à la paroi des veinules postcapillaires du cerveau, inflammation et hémorragies autour des vaisseaux, le coma étant dû à l’accumulation dans les capillaires cérébraux d’un grand nombre d’hématies parasitées, responsables de troubles métaboliques par production de toxines.

On a pu expérimentalement fixer la molécule d’artémisine sur des molécules de transferrine,
porteuses de Fer ; la transferrine est captée par la cellule cancéreuse et la pénètre, introduisant en même temps le Fer et l’artémisine ; dans la cellule le Fer est libéré et l’artémisine l’utilise pour libérer des radicaux libres et tuer la cellule… Le rôle du Calcium a également été mis en évidence (6). En fait dans la tisane et encore plus dans la poudre de plante entière, l’artémisine n’est pas seule. Il existe de nombreuses autres molécules: les flavonoïdes qui sont présents dans les feuilles d’Artemisia annua, mais également en grandes quantités dans les tiges. Les flavonoïdes ont une action anticancéreuse propre. Certains inhibent l’angiogénèse, d’autres comme le limonène inhibent la prolifération cancéreuse. Mais les flavonoïdes ont aussi une action synergique de l’artémisine: Ils sont antioxydants et facilitent l’activation de l’artémisine et la libération des radicaux libres.
L’effet cytotoxique a été retrouvé in vitro sur différentes cultures cellulaires cancéreuses : cancer du sein, cancer du poumon (10), lymphocytes (11,12), cancer de la prostate (13). L’artémisine aurait un effet antioestrogénique spécifique, en bloquant les récepteurs oestrogéno sensibles de cultures de cellules tumorales de cancer du sein. En l’absence d’études précises, la posologie n’est pas nettement définie ; on conseille habituellement un litre de tisane par jour, préparé avec une bonne cuillerée à soupe de feuilles, mais il est possible qu’un bol ou une à deux gélules par jour soient suffisants.
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L’artémisine pénètre dans les globules rouges parasités et stoppe précocément la maturation
des schizontes. L’artémisine a également un effet gamétocytocide supérieur aux antipaludéens
classiques (Okell, 63), diminuant ainsi le risque de transmission du parasite de l’homme au
moustique. Cet effet gamétocytocide est de grande importance, car les gamétocytes peuvent
persister dans le sang de façon latente, en particulier chez l’enfant, qui peut rester contagieux
longtemps après la guérison de l’accès palustre.
Le mode d’action de l’artémisine reste encore incomplètement connu. Plusieurs mécanismes
semblent s’associer (27). Certains sont spécifiques : perturbation dans le métabolisme des
protéines du parasite et perturbation de l’activité mitochondriale du parasite. D’autres sont
non spécifiques, notamment un effet sur le système immunitaire et un rôle d’inhibition de
l’angiogénèse.
1) Perturbation dans le métabolisme des protéines du parasite. Le mécanisme
fondamental serait l’inhibition d’un enzyme, la Ca++ATPase qui intervient dans la synthèse
des protéines des membranes cellulaires du parasite (20).
La Ca++ATPase est présente dans le réticulum endoplasmique du parasite ; elle assure le maintien de la concentration en ions Ca++ dont le rôle est fondamental pour la synthèse des protéines. L’artémisine se fixerait sur la Ca++ATPase en laissant disponible le pont peroxyde ; celui-ci est rompu en présence d’ions Fe++ (car le Fer attire un électron de l’oxygène). Les atomes d’oxygène sont alors activés et ils attirent des ions H+, libérant ainsi des radicaux libres de carbone. Ces radicaux libres inhibent l’ATPase, ce qui entraine la mort du parasite.
Le Fer semble provenir de l’hème, c’est-à-dire du produit de dégradation de l’hémoglobine consécutive à l’infestation des globules rouges par le parasite. Il s’agirait de l’hème intraparasitaire ; celle-ci activerait l’artémisine et libèrerait les radicaux libres de carbone dans le parasite, ce qui peut expliquer la toxicité sélective de l’artémisine sur le parasite (Meshnick, 54). Mais il est possible que le Fer ait également une autre origine, car l’artémisine agit précocément dans le cycle parasitaire, avant la dégradation de l’hémoglobine.
Par ailleurs l’artémisine est retrouvée également dans les structures membraneuses du parasite
(reticulum endoplasmique, système mitochondrial), et non pas uniquement dans les vacuoles
cytoplasmiques où se trouve l’hème, ce qui suggère d’autres mécanismes d’action.
2) Perturbation de l’activité mitochondriale du parasite. Le système mitochondrial est
nécessaire pour la chaîne respiratoire du parasite (apport d’oxygène) et pour sa croissance.
L’artémisine serait activée par le fer contenu dans la mitochondrie, selon le processus décrit
ci-dessus ; les atomes d’oxygène du pont peroxyde ainsi activés perturberaient le transport des
électrons dans la mitochondrie, provoquant une dépolarisation de la membrane
mitochondriale. Ceci empêche la biosynthèse des protéines nucléiques du parasite, et
notamment de la pyrimidine, aboutissant à la mort du parasite.
3) Rôle d’inhibition de l’angiogénèse : Il s’agit de la prolifération cellulaire inflammatoire
réactionnelle à l’agression du parasite qui adhère à l’endothélium vasculaire, en particulier au
niveau des petits vaisseaux (phénomène de la séquestration). L’artémisine aurait un effet
favorable sur l’œdème et les hémorragies liées à l’inflammation vasculaire. Cet effet est
particulièrement bénéfique car il atténue la sévérité du paludisme cérébral.

L’EFFICACITE DE L’ARTEMISIA ANNUA
L’action antipaludéenne de l’Artemisia annua est multiple : elle possède un effet répulsif sur
les moustiques, lié plus à la présence de terpénoides que d’artémisine, et que l’on peut
exploiter par fumigation ou simplement en la faisant pousser à proximité des habitations. Elle
a également un effet parasitocide direct, lié aux multiples composants présents dans la plante.
On trouve dans la littérature de très nombreux travaux consacrés à l’artémisine elle-même ou
à ses dérivés semi-synthétiques. Actuellement on trouve également de nombreux travaux
consacrés aux autres molécules présentes dans l’Artemisia annua, molécules dont le pouvoir
antipaludéen se confirme de plus en plus. L’ensemble de ces molécules constitue le « totum »,
dont l’effet thérapeutique est supérieur à celui des composants pris isolément.
1. L’ARTEMISINE
1.1. Le taux d’artémisine contenu dans les feuilles dépend de plusieurs facteurs, et
notamment de la variété d’Artémisia annua, du moment de la récolte, du mode de séchage, de
la durée de conservation, et surtout du mode de conservation des feuilles qui semble avoir un
rôle prépondérant. Les concentrations relevées dans la littérature varient entre 0,10% et 1%.
A Madagascar le taux observé est de 0,5%. Au Sénégal différentes variétés ont été étudiées, parmi lesquelles les variétés brésilienne, Anamed et Médiplant. Dans toutes ces variétés le taux était supérieur à 0,8%, allant jusqu’à 1,3% dans la variété Mediplant. La concentration était de 0,63% à 0,70% dans l’expérimentation de Mueller.
Les feuilles situées à la partie supérieure du plant sont plus riches en artémisine.
L’hybridation de l’Artémisia annua semble beaucoup augmenter la concentration en
artémisine. Dans l’étude de Jiang (36) la concentration en artémisine était de 0,90% dans de
l’artémisia annua naturelle et de 1,45% dans de l’artémisia annua transgénique. Cependant
l’hybridation compromet la production de graines. Enfin une fertilisation avec le phosphore
pourrait avoir un rôle favorable en augmentant la concentration en artémisine .
Si la concentration en artémisine présente un intérêt pour la commercialisation, elle n’est
cependant pas un facteur fondamental pour le pouvoir antipaludéen de l’Artémisia annua,
et l’hybridation ne semble pas à recommander pour l’utilisation thérapeutique de la plante :
Omar Gueye retrouve in vitro une efficacité identique avec de la tisane à base de feuilles
brésiliennes à concentration voisine de 1% et avec de la tisane à base de feuilles
luxembourgeoises, dans lesquelles la concentration n’est que de 0,1 à 0,2% ; il explique cela
par la présence d’autres molécules dans la tisane. De même, dans l’étude de Malagon la
reproduction du plasmodium est inhibée à plus de 98% par Artémisia ludoviciana mexicana,
qui ne contient pas d’artémisine.
1.2. La quantité de feuilles recommandée pour la préparation en tisane est de 9 à 10
grammes de feuilles pour un litre d’eau bouillante ; cependant Mueller (57) et Blanke (13) ont
utilisé une infusion contenant 5 grammes de feuilles avec des résultats cliniques identiques. Il
semble préférable de verser l’eau bouillante sur les feuilles et non pas de jeter les feuilles dans
l’eau ; il ne faut pas poursuivre l’ébullition avec les feuilles, car cela détruit l’artémisine :
dans les expérimentations de Räth et Mueller, la concentration en artémisine est
deux à trois fois moins importante lorsque la tisane est maintenue à ébullition (de 5 à 30
minutes). Il faut si possible utiliser un récipient en plastique ou mieux en verre pour faire
infuser, et éviter un récipient en fer (le fer réagissant avec l’artémisine). Après avoir versé
l’eau bouillante sur les feuilles, Räth conseille de remuer le mélange (avec une cuiller en
bois), puis de laisser infuser 10 minutes, le récipient étant recouvert ; il faut ensuite filtrer la
tisane, presser les feuilles pour récupérer les reliquats d’artémisine dissoute, et enfin laisser
refroidir la tisane.
Avec ce protocole, Räth obtient une quantité d’artémisine de 94,5 mg/l avec 9 g de feuilles et de de 60 mg/l avec 5 g de feuilles. Avec un protocole similaire, Mueller obtient 12 mg/l d’artémisine avec 5 g de feuilles, 24 mg/l avec 10 g, 32 mg/l avec 20 g, et 64 mg/l avec 40 g de feuilles. Rocha e Silva (69) obtient 40-46 mg avec 5g/l de feuilles. Jansen (34) a mesuré 24,2 mg/l. Selon Mueller 40% de l’artémisine présente dans les feuilles peut être extraite dans la tisane, ce qui représente 40 mg si l’on considère une concentration de 1% dans une quantité de 10 g de feuilles.
La dose quotidienne d’artémisine ou de ses dérivés habituellement prescrite est de l’ordre de
200mg à 500 mg, donc très supérieure à la quantité d’artémisine (de l’ordre de 20mg à 50 mg)
extraite de 5 grammes de feuilles en tisane, et on peut estimer que l’apport en artémisine par
l’ingestion de tisane est très insuffisant. Cependant cette posologie « officielle » de 200 à 500
mg ne repose sur aucune étude argumentée ; de même la quantité de feuilles habituellement
conseillée (9g/l) est arbitraire et peut parfaitement être augmentée ou diminuée. Ashton (8) a
même constaté une efficacité identique dans une étude comparant l’artémisine administrée
aux mêmes doses par voie orale et par voie rectale, bien que le coefficient d’absorption de
cette dernière voie soit nettement inférieur à celui de la voie orale. Tout ceci suggère qu’une
dose quotidienne de 200 mg à 500 mg est probablement excessive et donc inutile.
On sait que l’artémisine est peu soluble dans l’eau, et le bon rendement obtenu avec la
préparation en tisane s’explique par la présence dans les feuilles d’autres constituants
(flavonoïdes, saponines, polysaccharides…) qui favoriseraient la dissolution de l’artémisine
en agissant comme détergents (81), ou avec lesquels l’artémisine pourrait former des
complexes hydro-solubles.
1.3. La concentration plasmatique maximum : Après absorption de 500 mg d’artémisine
extraite (sous forme de comprimés), la concentration maximum est obtenue très rapidement,
entre 2 et 3 heures, et elle dépasse le plus souvent 200 microgr/l (51).
Elle était de 615 g/l dans l’étude de Alin (4) ; elle était de 391 g/l dans l’étude faite par Duc (19) et de 364g/l dans le travail de Vries (78).
Après absorption d’une tisane contenant 9 g de feuilles d’Artémisia annua (soit environ 30 à
40 mg d’artémisine), Räth (67) a noté que la concentration plasmatique maximum était de 240
g/l. Cette concentration élevée suggère que l’artémisine naturelle présente dans la tisane est
mieux absorbée que l’artémisine en comprimés. Il faut insister sur le fait que la tisane contient
d’autres composés que l’artémisine, qui augmentent probablement son absorption. Dans
l’étude de Vries (78), la concentration en artémisine efficace in vitro pour inhiber 50 % de
croissance du plasmodium falciparum (IC50) est de 3 à 30 g/l ; selon Alin et Heide
elle est de 10 g/l. La concentration plasmatique mesurée après ingestion de tisane est donc
très supérieure à ces chiffres.
In vitro, Alin a constaté que la croissance du Plasmodium était inhibée à raison de 63% après 3 heures
d’exposition à l’artémisine, l’inhibition atteignant 95% après un délai de 48 heures. In vivo, le temps nécessaire à l’élimination du parasite est d’environ 36 heures: il était de 26 heures dans l’étude de Alin , de 48 heures dans l’étude de Mueller, et de 36 heures dans l’étude de de Vries.
Ainsi le traitement par artémisine est presque immédiatement efficace ; il permet de réduire
considérablement la concentration en parasites, pratiquement au-dessous des valeurs
détectables, mais sans élimination totale, et la croissance des quelques parasites restants
expose à une récidive précoce de la parasitémie et surtout à une récidive clinique de l’accès
palustre. Ce risque, ajouté au fait que la durée de vie de l’artémisine est courte, avec une
demi-vie moyenne de 2 heures et demie à trois heures (4,19,78), nécessite de prolonger
pendant au moins 5 jours le traitement par tisane (42) ; la durée habituellement recommandée
est de 7 jours. Cette brièveté de la demi-vie de l’artémisine est d’ailleurs considérée par certains
comme un élément favorable, le parasite n’ayant pas le temps de développer de résistance.
On trouve cependant dans la littérature une étude comparative moins optimiste effectuée sur des souris, étude dans laquelle la parasitémie au 4ème jour était
de 50 % dans le groupe traité par tisane, contre 3 % dans un groupe traité par artésunate ; par
ailleurs toutes les souris traitées par tisane étaient décédées au 11ème jour alors que 83 % des
souris traitées par artésunate étaient survivantes.
1.4. L’efficacité clinique de la tisane de feuilles d’Artemisia annua dans le traitement du
paludisme a été démontrée à l’occasion du traitement de plusieurs cas isolés (communications
personnelles), tous avec une rapide et complète amélioration clinique. L’efficacité de la tisane
a également été étudiée dans quelques séries randomisées de la littérature:
Chougouo Kengne (16) rapporte une étude récente comparant tisane et artésunate seul ou associé à amodiaquine, mais sans que soit nettement précisé le matériel d’étude: le taux d’échecs était de 0 % en cas de traitement par la tisane durant 7 jours, mais de 28 % en cas de traitement durant 5 jours ; il était de 12 % et 14 % avec l’artésunate seul ou associé a l’amodiaquine. Dans une étude récente portant sur 3000 cas, dont 250 enfants âgés de moins de 5 ans, Willcox (85) rapporte une efficacité constante de la tisane, sans effets secondaires notables chez les enfants ni chez les femmes enceintes (24 cas traités durant le premier trimestre de gestation). Par contre l’auteur signale des difficultés dans la culture de l’Artemisia annua dans près de la moitié des cas (au Kenya et en Ouganda). Fouda (26) rapporte une étude brésilienne portant sur 72 patients traités par tisane (1 litre/jour avec 5g
de feuilles pendant 7 jours) : le pourcentage d’éradication du parasite dans le sang était de 4,3% à J+1, de 47,7% à J+2, de 85,9% à J+7, et de 93,7% à J+14. Blanke rapporte 10 cas traités par tisane ; Mueller  rapporte deux séries, l’une de 53 patients, l’autre de 72 patients. Dans ces dernières études une importante amélioration clinique a été observée dans presque tous les cas dès le troisième jour du traitement. Dans les trois études la parasitémie avait disparu dans 70% des cas au 7ème jour. Tiruneh évalue une série de 473 patients et constate une guérison de l’accès palustre dans 92% des cas.
L’ensemble des auteurs a noté une récidive de la parasitémie au 28ème jour dans un nombre
important de cas, variant selon les séries de 70% à 90%. Ces cas de réapparition de la
parasitémie ont souvent été considérés comme des échecs, même en l’absence de récidive de
la symptomatologie clinique. Cependant la constatation d’une parasitémie modérée sans
symptomatologie clinique est habituelle chez l’enfant en zone d’endémie, et il est admis que
cela lui apporte une immunité relative et assure une protection minimale contre les infections
ultérieures à l’âge adulte.
Selon l’étude de Bottius qui porte sur une population en zone d’endémie, 50 % des sujets testés présentaient une parasitémie microscopique, mais le chiffre s’élevait à 90 % avec des techniques plus sensibles (polymerase chain reaction). Ainsi une parasitémie isolée notée après traitement d’un accès palustre ne parait pas très significative et plusieurs publications ont souligné ce fait : Mueller (50), Silachamroon, Swarthout, Whitty ont retrouvé entre la 4ème et la 6ème semaine une parasitémie variable de 20% à 50% selon les dérivés d’artémisine utilisés, isolément ou en combinaison. Au recul de 6 semaines, il est d’ailleurs difficile d’attribuer cette parasitémie à une récidive (donc à un échec du traitement) ou à une réinfestation (la distinction nécessiterait une étude génotypique du parasite). Dans l’étude très complète de Ashley (6) portant sur une population de 2926 enfants traités par ACT, une récurrence de la parasitémie a été observée dans 942 cas entre le 14ème et le 28ème
jour, attribuée à une récidive dans 12% des cas et à une réinfestation dans 78% des cas, avec un taux d’échecs variant de 0% à 40% selon la méthodologie statistique utilisée. Farnert (23) constate une très grande variation nycthémérale de la densité parasitaire, des profils génotypiques et des stages de maturation du parasite chez le même patient.
Au total on peut considérer que la persistance ou la récidive d’une parasitémie modérée n’est
pas significative dès lors qu’elle est sans symptomatologie clinique. Malgré ses imperfections,
le traitement de l’accès palustre par tisane d’artémisine peut donc être recommandé (68),
l’objectif du traitement par tisane d’artémisine n’étant pas d’éradiquer définitivement la
maladie, mais de traiter l’accès palustre et de prévenir ses complications.
Par ailleurs, il semble également que l’Artemisia annua ait non seulement un effet curatif,
mais également un effet préventif du paludisme. Ogwang (61) a fait une étude longitudinale
durant 8 mois, portant sur environ 300 patients prenant un bol de tisane une fois par semaine;
il observe une diminution de 80% des symptômes attribuables au paludisme. Dans une autre
étude randomisée, le même auteur calcule que le risque de crise de paludisme est divisé de
moitié .
2. LES FLAVONOIDES
Les très nombreuses recherches qui ont été effectuées après l’isolement de la molécule
d’artémisine sont restées centrées sur cette molécule, qui a été considérée sans doute à tort
comme la seule molécule efficace contre le paludisme. On sait maintenant que l’Artemisia
Annua contient en outre un véritable cocktail de molécules de flavonoïdes (scopolétine,
casticine, chrysoplenetine, chrysosphenol-D, cirsilineol…) (15). Ces flavonoïdes se trouvent
dans les feuilles, mais également et peut-être à concentration plus importante dans les tiges de
la plante (87). Les flavonoïdes résistent à l’eau bouillante (à la différence de l’artémisine).
Les flavonoïdes ont un important pouvoir antioxydant (ce sont des chélateurs du Fer, transformant les ions Fe+++ en ions Fe++). Or les antioxydants semblent avoir un rôle dans la prévention de paludisme. Akpotuzor et Metzger constatent que le taux d’antioxydants (vitamines A et C, carotènes) est diminué chez des enfants impaludés et que ces taux augmentent avec la guérison de l’accès palustre.
A doses faibles ces molécules, comme notamment la quercetine, potentialisent l’action de
l’artémisine, peut-être en inhibant des enzymes destructeurs de l’artémisine (25).
Ashton avait observé que, avec un traitement quotidien continu par artémisine pure, la concentration
plasmatique en artémisine diminue avec le temps, passant à 34% au 4ème jour de traitement et à 24% au 7ème jour de traitement, et il évoquait la possibilité de l’induction par l’artémisine de la production d’enzymes autodestructeurs (cette diminution de la concentration plasmatique en artémisine peut d’ailleurs expliquer la récidive de la parasitémie qui s’observe dans 2% à 50% des cas au 28ème jour après un traitement par artémisine seule).
Selon Ferreira ces enzymes (et notamment le CYP450) sont détruits par les flavonoides présents dans
l’Artemisia annua. Les flavonoides favoriseraient ainsi l’efficacité des molécules d’artémisine qui resteraient actives plus longtemps dans l’organisme. De plus les flavonoides auraient une action synergique de l’artémisine, en favorisant la pénétration de l’artémisine à travers les membranes cellulaires du parasite.
Enfin, à doses fortes les flavonoïdes ont une action antipaludéenne directe sur le Plasmodium
falciparum.
Certains flavonoïdes (quercetine, luteoline, apigenine) inhibent précocément la croissance du Plasmodium Falciparum dont le développement est stoppé au stade de trophozoïte intraérythrocytaire, de même que le 1,8 cineole. Les terpènes comme le limonène ou le farnesol inhibent également le développement du Plasmodium Falciparum par leur pouvoir anti-oxydant .
Enfin, on accorde actuellement un rôle important aux polysaccharides présents dans
l’Artemisia annua.
Ils favoriseraient la solubilité de l’artémisine et des flavonoïdes. Ils ont un effet anti-inflammatoire. De plus les polysaccharides sulfatés présents dans l’Artemisia annua empêcheraient l’invasion des érythrocytes par le parasite à un stade précoce de mérozoite.
A l’inverse, les monosaccharides, ou sucres simples (glucose, lactose), semblent à
déconseiller car ils favoriseraient le développement du parasite, qui en a besoin pour son
métabolisme. Il faut donc éviter l’addition de sucre ou de miel dans la tisane, addition qui a
été suggérée pour diminuer l’amertume de la tisane et la rendre plus acceptable pour les
enfants…
Le traitement par l’Artemisia annua n’est donc pas une monothérapie, mais plutôt une
véritable polythérapie, et peut-être les recherches ont-elles négligé ces différentes molécules
au profit de l’artémisine elle-même. Cette polythérapie peut expliquer certains paradoxes
entre l’utilisation de l’artémisine pure et l’utilisation des extraits d’Artemisia annua :
– Les doses d’artémisine dans la tisane sont très inférieures aux doses recommandées en cas
de traitement par l’artémisine elle-même, et pourtant les résultats sont au moins aussi bons.
– On a montré que la molécule d’artémisine est très peu soluble dans l’eau, et pourtant 40% de
l’artémisine présente dans les feuilles est retrouvée dans la tisane.
– Le plasmodium falciparum a développé une résistance à l’artémisine ou à ses dérivés, même
associés à des molécules à action plus lente . Les premiers cas de résistance ont été
observés au Cambodge avec l’artésunate . A l’inverse il n’a pas été signalé de cas de
résistance après traitement par tisane. La polythérapie de la tisane peut expliquer que le
plasmodium falciparum ne soit pas devenu résistant à l’artémisine, malgré deux millénaires
d’utilisation de la tisane.
– La teneur en artémisine est très variable selon les souches d’Artemisia annua, de 0,1 % à
plus de 1 % pour la variété brésilienne (la teneur en artémisine de l’Artemisia annua produite
par ACP est de l’ordre de 0,50%), et pourtant les résultats dans le traitement de l’accès
palustre sont équivalents.
Ainsi la polythérapie présente plusieurs avantages. Les différents composants ont un effet
synergique comme le confirme l’étude récente de De Donno qui calcule que l’efficacité
de la tisane est trois fois plus importante que ne le serait la même quantité d’artémisine prise
isolément. Il semble de plus que l’administration de l’Artemisia annua en gélules, qui apporte
la totalité de la plante (le Totum), soit encore plus efficace. Ceci est parfaitement démontré
dans le récent travail de Elfawal et al : chez des souris ayant reçu de la plante sèche,
l’absorption d’artémisine est 40 fois supérieure à celle observée chez des souris ayant reçu la
quantité correspondante d’artémisine pure. Avec une dose de 24 mg/kg (plante sèche), les
auteurs obtiennent une chute quasi-totale de la parasitémie 30 heures après l’ingestion. Au
cours d’une mission chirurgicale en Centrafrique, nous avons nous-mêmes traité
préventivement durant deux jours et demi 25 enfants en bonne santé qui devaient être opérés
de lésions orthopédiques, par une dose quotidienne de 400 à 500 mg de poudre d’Artémisia
annua administrée en gélules, soit environ 16 mg/kg: nous avons constaté qu’après 36 heures,
la parasitémie (présente dans tous les cas) avait diminué de 65%. Dans cette expérience, la
dose d’artémisine administrée était très faible, de l’ordre de 0,4 à 0,5 mg d’artémisine, et il est
possible qu’une dose plus importante ait permis une disparition totale des parasites dans le
sang. Ces résultats sont également concordants avec ceux observés dans l’étude de
l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (84) dans laquelle 47 patients ont été
traités par pilules de 500 mg d’Artemisia annua pendant 6 jours : la parasitémie qui était
positive dans tous les cas au début du traitement était nulle dans près de 90% des cas entre le
3ème et le 5ème jour.
Tous ces résultats confirment l’intérêt de l’administration de la plante entière : absorption plus
rapide et plus complète de l’artémisine, inhibition d’enzymes digestifs et hépatiques
destructeurs de l’artémisine, synergie antiparasitaire entre artémisine et flavonoïdes, effet
antipaludéen propre des flavonoïdes.

L’ADMINISTRATION DE L’ARTEMISINE
1. La tisane
1.1. La préparation de la tisane
La quantité de feuilles recommandée pour la préparation en tisane est de 5 à 7 grammes de
feuilles pour un litre d’eau bouillante (2 à 3 grosses pincées). Il faut utiliser un récipient en
plastique ou mieux en verre pour faire infuser, et éviter un récipient en fer (le fer réagissant
avec l’artémisine). Il faut verser l’eau bouillante sur les feuilles (ne pas poursuivre l’ébullition
avec les feuilles, car cela détruit l’artémisine), remuer le mélange avec une cuiller en bois,
puis laisser infuser 10 minutes, le récipient étant recouvert. Puis il faut filtrer la tisane (par
exemple dans un tissu pour éviter le contact avec une passoire en fer), presser les feuilles pour
récupérer les reliquats d’artémisine dissoute, et enfin laisser refroidir la tisane.
1.2. La posologie de la tisane
Chez l’adulte, la posologie recommandée est de 1 litre par jour en 4 prises de 250 ml.
Chez l’enfant, la posologie est de 15 à 20 cc/kg, c’est-à-dire ½ litre en 4 prises pour un poids
de 30 kg (4 fois un pot de yaourt bien rempli), ou 120 à 130 ml en 4 prises pour un poids de 7
kg (4 fois un quart de pot de yaourt).
La tolérance à l’artémisine est très bonne. On ne retrouve dans la littérature aucune
publication rapportant des complications après traitement par artémisine ou dérivés ; il n’a pas
été observé d’effets secondaires indésirables. La voie orale est bien sur le moyen le plus
simple pour administrer la tisane. Cependant, lorsque la voie orale est impossible, comme
chez des patients peu coopérants ou en cas de neuropaludisme avec coma, l’administration par
voie rectale est possible.
Cette possibilité a été soulignée et encouragée par l’OMS (83). L’artémisine par voie rectale a l’avantage
d’éviter les complications que l’on peut observer si l’on traite l’accès palustre par injection de quinine
intramusculaire (66). Plusieurs études ont confirmé l’efficacité de l’artémisine par voie rectale
: celle-ci élimine le parasite plus rapidement que les traitements classiques intramusculaires
ou intraveineux par sels de quinine, et elle est plus efficace et plus sûre que la quinine parentérale, même en cas de paludisme sévère. Selon Koopmans (39) la concentration sanguine en artémisine administrée par voie rectale est plus élevée qu’après administration de la même dose par voie orale, avec un temps d’élimination du parasite d’environ 24 heures, donc plus rapide que par voie orale. Dans l’étude de Gomes qui porte sur 1167 patients, une dose massive unique était 5 fois plus efficace que des doses modérées répétées pour réduire la parasitémie de plus de 90% à 24 heures. A partir d’une méta-analyse de 39 publications, Karunajeewa conclut à l’efficacité thérapeutique de l’artémisine par voie rectale, même si les résultats cliniques ne sont pas supérieurs à ceux des traitements conventionnels. Ainsi l’artémisine par voie rectale peut être considérée comme un traitement alternatif pouvant remplacer la quinine parentérale.
Différentes présentations de suppositoires sont actuellement disponibles, à base d’artémisine
extraite de l’Artemisia annua, ou à base de ses dérivés semi-synthétiques ; cependant le coût
peut en être prohibitif pour les familles les plus pauvres, et on peut remplacer les
suppositoires par de la tisane d’Artemisia annua, administrée selon le même protocole que par
voie orale, c’est-à-dire pour l’adulte un litre de tisane dans laquelle ont infusé 9 à 10 grammes
de feuilles d’Artemisia annua, à répéter les jours suivants. La tisane est disponible à un coût
minime ou quasi-nul ; elle peut être administrée par voie rectale sous forme de goutte-à-goutte
à l’aide d’une canule rectale. Ceci a l’avantage de réhydrater l’enfant.
2. La poudre d’Artemisia annua
L’administration de la poudre permet d’administrer la plante elle-même, et ainsi d’absorber le
« totum », c’est-à-dire la totalité des molécules présentes, à la différence de la tisane.
2.1. Préparation de la poudre : Il faut réduire la plante en poudre fine ; ceci peut facilement
être fait avec un mixer, mais est plus difficile à obtenir en zone endémique avec le pilon
traditionnel. Il est important que la plante soit parfaitement pulvérisée.
2.2. Administration de la poudre :
2.2.1. La poudre peut ensuite être administrée sous forme de gélules, qui sont d’absorption
facile. Les gélules sont également utilisables par voie rectale en cas de neuropaludisme avec
difficultés d’alimentation. Mais les gélules ne sont pas toujours facilement disponibles et par
ailleurs elles ont un coût. L’administration en gélules est donc possible lorsque les gélules
sont préparées à l’avance et apportées dans la zone de distribution, mais elle est
imparfaitement adaptée pour un programme de production locale ou de diffusion à grande
échelle.
2.2.2. Une alternative est d’utiliser la poudre d’Artemisia annua non pas en gélules, mais de
l’administrer directement à condition qu’elle soit parfaitement pulvérisée, diluée dans de la
bouillie ou encore dans du beurre d’arachide. L’efficacité du traitement par la poudre est sans
doute supérieure à celle de la tisane, et ce mode d’administration nous semble à promouvoir.

CONCLUSION
On sait qu’actuellement la production d’artémisine est insuffisante pour répondre à la
demande mondiale et que par ailleurs le coût en est prohibitif pour la plupart des zones
endémiques. Il existe des programmes de distribution gratuite des traitements modernes à base
d’artémisine associée a des molécules à action lente (ACT), mais ces programmes contribuent
a maintenir les populations ciblées en état d’assistanat… On sait également que les traitements
par Artémisia Annua sont efficaces à près de 100%, que ce soit en tisane ou en poudre.
L’Artémisia annua présente l’avantage d’être très peu onéreuse et économiquement
acceptable pour le traitement du paludisme, même pour les populations les plus défavorisées ;
la tisane est facile à préparer et à administrer. Un avantage supplémentaire est la possibilité
d’une culture locale, favorisant l’autonomisation de la population, et éliminant les incertitudes
de l’acheminement et de la distribution, de même que les risques de rupture de stock. Que ce
soit par voie orale ou par voie rectale, sous forme de tisane ou de poudre, l’Artémisia annua
permet de traiter efficacement l’accès palustre dû au plasmodium falciparum, à condition
toutefois que la durée du traitement soit suffisante. Ceci doit rester présent à l’esprit d’autant
que cette indispensable durée du traitement est parfois difficile à obtenir en raison de la
médiocre coopération que l’on peut rencontrer chez les patients ou leur famille. Ainsi, malgré
cet inconvénient, le traitement de l’accès palustre par l’Artémisia annua parait une alternative
recommandable, l’utilisation sous forme de tisane paraissant la mieux adaptée pour une
diffusion à grande échelle.

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